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À la recherche de l’Europe sociale – Tribune par F. Cassereau

Tribune de Frédérique Cassereau, avocate associée du cabinet Hoche Avocats, avocate au barreau de Paris, maître de conférences à Sciences Po Paris, secrétaire générale du CMAT (Centre de médiation et d’arbitrage du travail)

 

À la recherche de l’Europe sociale

Le 25 mars 2022, le Traité de Rome a célébré son 65e anniversaire. Les pères fondateurs de l’institution communautaire en 1957 pensaient que le progrès social découlerait naturellement du progrès économique et c’est bien dans cet état d’esprit qu’ils ont laissé aux États membres leurs compétences en matières sociales.

Si la cohésion et le progrès social font partie des objectifs du Traité, les seules mesures envisagées à l’origine dans ce domaine ont eu pour principale finalité de rendre effective la mobilité des travailleurs.

Les années 70 ont donné le jour à une série de directives en matière de droit du travail, notamment destinées à atténuer les effets de l’ouverture des marchés et de la crise sur les travailleurs européens.

Dans les années 80, sous l’impulsion de Jacques Delors alors président de la Commission européenne, est lancée l’idée d’un dialogue social européen consistant à associer les partenaires sociaux à l’achèvement du marché intérieur.

Dans les domaines de l’égalité femmes-hommes, de la discrimination et de la santé-sécurité des travailleurs, une véritable politique sociale a été mise en place au sein de l’Union dont l’empreinte est incontestable.

En parallèle sur le plan économique, l’adoption de l’Euro a renforcé l’intégration des États membres.

Mais faute d’instruments mis en place pour atténuer les déséquilibres sociaux, un fossé important, accentué par la crise financière de 2008, s’est creusé entre les citoyens européens et les institutions communautaires.

Les ambitions de l’Europe sociale ont par la suite été remises en cause au moment de l’élargissement de l’Union en 2004 provoquant une fracture entre les États membres dont les niveaux de richesse et de salaire minimum diffèrent de façon drastique.

L’euroscepticisme a fait son lit et on se souvient que Mario Draghi proclamait la mort de l’Europe sociale.

Pourtant, un modèle social plus harmonisé fait sens au regard des défis sociaux communs à l’ensemble des États de l’Union : vieillissement démographique, réformes des systèmes de protection sociale, conséquences de la mondialisation, lutte contre la pauvreté.

Or, avec le Brexit et la sortie de l’un des principaux opposants à l’Europe sociale, s’ouvrent de nouvelles perspectives pour relancer la construction européenne.

La présidence française de l’Union Européenne essaye de s’en saisir et a inscrit dans ses priorités la protection du modèle social européen avec notamment l’espoir de voir adoptée la directive sur les salaires minimums.

La dimension sociale de l’Europe est sans doute la seule qui permette de réconcilier les citoyens avec les institutions de l’Union pour l’inscrire dans une réalité qu’ils comprennent, celle du monde du travail.

Les candidats à la grande élection nationale à venir auraient sans doute beaucoup à gagner s’ils abordaient les thématiques sociales dans leur dimension européenne qu’il s’agisse de la durée du travail, du dialogue social ou encore de la retraite.

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