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Mandat ad hoc et conciliation : des procédures préventives adaptées aux jeunes pousses (H. de Lauriston)

Article d’Hadrien de Lauriston, Avocat au barreau de Paris, Associé du cabinet Hoche Avocats.

Réseau Entreprendre – 7 juillet 2021

 

Le traitement des difficultés des entreprises ne se limite pas au redressement ou à la liquidation judiciaires – procédures publiques, contraintes et contraignantes -, loin de là. Des procédures préventives, le mandat ad hoc et la conciliation, se distinguent par leur caractère volontaire, amiable et confidentiel et doivent être privilégiés lorsque la situation le permet.

Des entreprises comme Areva, Conforama, Suez et dernièrement les Girondins de Bordeaux ont eu recours à ces procédures préventives pour traverser la crise à laquelle elles étaient ou sont
confrontées mais il ne faut pas en déduire que ces procédures seraient l’apanage des grands groupes, les jeunes pousses y ont tout autant accès.

 

Quand avoir recours aux procédures préventives ?

Les procédures préventives sont ouvertes aux entreprises confrontées à des difficultés quelle qu’en soit la nature. Ces difficultés peuvent être d’ordre juridique, économique ou financier, avérées ou seulement prévisibles.

Dès lors, toute situation, présente ou future, affectant négativement l’entreprise pourra justifier l’ouverture d’une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation : conflit entre ou avec ses actionnaires affectant la bonne marche de l’entreprise, difficultés de trésorerie, besoin de financement, risque de non-respect de certains ratios financiers…

L’ouverture de la procédure doit être sollicitée le plus en amont possible afin d’avoir le temps nécessaire pour établir un diagnostic, identifier les solutions et les mettre en œuvre. L’ouverture de la procédure préventive peut être sollicitée jusqu’à 45 jours suivants un éventuel état de cessation des paiements, étant précisé que seule la conciliation suspend l’obligation de déclarer l’état de cessation des paiements, communément appelé « dépôt de bilan », dans le délai de 45 jours.

 

Quelles sont les conditions d’éligibilité ?

Toutes les personnes morales et les personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale ou exerçant une activité professionnelle indépendante sont éligibles à l’ouverture d’une procédure préventive.

Il n’y aucune condition liée à la taille ou l’ancienneté de l’entreprise.

 

Quels sont les principaux effets de l’ouverture d’une procédure préventive ?

S’agissant de procédures essentiellement amiables, l’ouverture d’une conciliation ou d’un mandat ad hoc n’a que peu d’effets juridiques contraignants et particulièrement :

  • elle n’affecte pas l’administration de l’entreprise qui reste librement assurée par ses mandataires sociaux,
  • elle n’entraîne pas de gel automatique du passif ou de suspension des poursuites des créanciers qui demeurent libre d’agir en recouvrement de leurs créances.

Ces procédures permettent surtout de bénéficier de l’intervention d’un professionnel du traitement des difficultés des entreprises, le plus souvent un administrateur ou un mandataire judiciaire, qui bénéficiera d’une autorité morale du fait, d’une part, de sa désignation par le Président du Tribunal et, d’autre part, de son expérience de ce type de situation. L’intervention d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur permet alors de réinstaurer un cadre de discussions propice à l’émergence d’une solution négociée entre les différentes parties prenantes.

Par exception à son caractère amiable, afin de protéger ce forum de discussions contre l’action isolée d’un ou plusieurs créanciers n’ayant pas été invités à la procédure de conciliation ou refusant d’y participer, la procédure de conciliation permet de solliciter du Président du Tribunal qu’il ordonne contre ces créanciers des délais de paiement jusqu’à deux ans. La durée des délais peut être subordonnée à la conclusion d’un accord.

 

Déroulé classique d’une procédure préventive

La première étape est la préparation et le dépôt d’une requête aux fins de désignation, selon le cas, d’un mandataire ad hoc ou d’un conciliateur. La requête doit donner une information complète et sincère sur la situation de l’entreprise, ses difficultés et ses perspectives, tout en gardant à l’esprit qu’elle pourra être communiquée aux personnes qui seront appelées à participer à la procédure.

Une réunion avec le Président du Tribunal ou son délégué est ensuite organisée afin que le dirigeant lui expose oralement ses difficultés. A l’issue de cette réunion, sauf circonstances particulières, le Président du Tribunal rend une ordonnance aux termes de laquelle il désigne, selon ce qui lui aura été demandé, un mandataire ad hoc ou un conciliateur. Il s’agira presque systématiquement du professionnel proposé par le dirigeant dans la requête.

L’ordonnance précise la durée de la procédure. Contrairement au mandat ad hoc dont la durée n’est pas encadrée par la loi et qui peut faire l’objet de renouvellements consécutifs, une procédure de conciliation ne peut excéder 5 mois et une nouvelle conciliation ne peut être ouverte qu’à l’issue d’un délai de carence de trois mois.

Une fois désigné, le mandataire ad hoc ou le conciliateur prendra attache avec les partenaires de l’entreprise avec lesquels il semble nécessaire de trouver un accord pour les informer de sa désignation et fixer les premières étapes de la procédure. Des mesures provisoires (suspension de l’exigibilité de leur créances, rétablissement d’une ligne de crédit, renonciation à se prévaloir de certaines clauses contractuelles, …) pourront leur être immédiatement demandées par le mandataire ad hoc ou le conciliateur.

Le périmètre des discussions et le séquencement des interactions avec les différents intervenants sont librement définis par le mandataire désigné et le dirigeant. il est ainsi tout à fait possible de n’appeler qu’une catégorie d’acteurs (établissements de crédit, actionnaires, …) dans la procédure.

En cas de succès des discussions, la procédure s’achève par la conclusion d’un protocole d’accord dont le contenu est parfaitement libre. Sans prétendre à l’exhaustivité, il pourra prévoir des étalements et/ou des remises de dettes, de nouveaux concours, l’entrée de nouveaux investisseurs, des cessions d’actifs ou d’activités… En mandat ad hoc, le protocole est un simple contrat de droit commun tandis qu’en conciliation, il s’agit d’un contrat amélioré – alors qualifié de protocole de conciliation – par l’effet d’une ordonnance de constat ou d’un jugement d’homologation qui lui confèreront une force juridique particulière.

En particulier, l’homologation d’un protocole de conciliation, qui nécessite de remplir certaines conditions vérifiées par le Tribunal, octroi un privilège dit de « New Money » aux personnes ayant consenti de nouveaux financements à l’entreprise, que ce soit pendant la procédure de conciliation ou en exécution du protocole de conciliation homologué. L’homologation confère également aux opérations prévues par le protocole une plus grande sécurité juridique.

 

Les procédures de prévention sont-elles publiques ?

Les procédures de prévention sont strictement confidentielles et c’est d’ailleurs l’un de leurs principaux avantages par rapport aux procédures collectives. L’ouverture d’une telle procédure ne fait l’objet d’aucune publicité par le greffe du Tribunal et toute personne appelée à un mandat ad hoc ou une conciliation ou qui, par ses fonctions, a connaissance de l’existence et/ou du déroulement de cette procédure, est tenue par la loi à la confidentialité.

Ainsi, les échanges qui interviennent dans le cadre d’un mandat ad hoc ou d’une conciliation ne peuvent faire l’objet d’aucune communication à des tiers et ne pourront être utilisés dans le cadre d’une action en justice. En outre, les institutions représentatives du personnel, le cas échéant, n’ont pas à être informées/consultées.

Il existe peu de tempéraments à cette confidentialité : les commissaires aux comptes du débiteur sont informés par le greffe du Tribunal de l’ouverture d’une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation et le débiteur peut choisir de communiquer sur l’ouverture d’une procédure préventive ce qui peut avoir pour effet de rassurer ses partenaires. Enfin, le jugement d’homologation d’un protocole de conciliation, si cette homologation est requise, fait l’objet d’une publicité. Les termes de l’accord ne sont toutefois pas repris dans le jugement et demeurent donc confidentiels.

 

Mandat ad hoc ou conciliation ?

Le mandat ad hoc et la conciliation partagent leurs principales caractéristiques. Il s’agit de procédures volontaires – seul le dirigeant peut solliciter l’ouverture d’une procédure préventive -, confidentielles et amiables en ce sens que la solution doit être approuvée dans un cadre contractuel par l’ensemble des parties prenantes. La procédure de conciliation se distingue toutefois par un régime juridique plus encadré. Selon les caractéristiques propres à chaque dossier l’une pourra être préférée à l’autre ou elles pourront se compléter. Ainsi, une procédure de mandat ad hoc est souvent suivie d’une procédure de conciliation. En effet, le principal inconvénient de la conciliation par rapport au mandat ad hoc est d’être limitée dans le temps (5 mois maximum).

Le recours à la conciliation, qu’il soit ab initio ou après une procédure de mandat ad hoc, pourra être requis si l’entreprise se trouve en état de cessation des paiements (depuis moins de 45 jours), si l’entreprise rencontre des difficultés avec un ou plusieurs créanciers ou encore si l’accord doit faire l’objet d’une constatation ou d’une homologation.

 

La prévention, outil efficace de sortie de crise

Alors que le nombre de procédures collectives a connu une baisse significative pendant la crise sanitaire, le recours aux procédures préventives est en nette augmentation. Cette tendance s’explique principalement par l’instauration de règles dérogatoires pendant la période d’urgence sanitaire dont certaines demeurent applicables et rendent cette procédure particulièrement efficace dans le contexte actuel.

En particulier, la possibilité d’obtenir la suspension de l’exigibilité d’une créance pendant toute la durée de la conciliation sur simple requête au Président, c’est-à-dire dans un cadre non contradictoire, associée à l’extension à 10 mois de la durée maximum de la conciliation permet, en pratique, d’imposer aux créanciers, même les plus récalcitrants, de participer aux discussions visant à trouver un accord assurant la pérennité de l’entreprise, ou à tout le moins de se donner le temps de rechercher des solutions alternatives.

Les procédures préventives doivent continuer à être l’outil de référence de sortie de crise en ce qu’elles permettent de traiter efficacement les difficultés d’une entreprise tout en préservant sa réputation et ses relations avec ses principaux partenaires du fait de leur caractère amiable et confidentiel.

 

Réseau Entreprendre – 7 juillet 2021

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